COMMUNIQUÉS

LES REVENDICATIONS DE LA PRIDE MARSEILLE 2021 PAR LE COMITÉ DE PILOTAGE

Avec le thème « toujours trop », La Comité de pilotage de la Pride Marseille a souhaité visibiliser les étiquettes que l’on nous colle. Ces marqueurs de nos identités multiples induisent des discriminations et des violences systémiques. C’est pourquoi nous demandons des avancées sociétales et juridiques indispensables.

Ces étiquettes que l’on nous colle

Cette année, la Pride Marseille a voulu mettre en lumière les étiquettes que l’on colle trop souvent aux communautés LGBTI+ pour questionner leur impact et leur légitimité. Nous avons forcément entendu que notre communauté était souvent « toujours trop » : « trop gros·se »« trop racisé·e »« trop trans »« trop gouine »« trop folle »« trop pédé·e « « trop vieille ou trop vieux »« trop séropo »… On reproche souvent à notre communauté d’être « toujours trop » bruyante pendant ce mois des Fiertés : nous serions toujours trop présent·e·s dans les médias, toujours trop extravagant·e·s, toujours trop fier·e·s. Nous en ferions «trop» pour «pas grand-chose». La Pride Marseille souhaite rendre hommage à toutes celles et ceux qui sont qualifié·e·s de « toujours trop » car ces étiquettes sont des marqueurs parmi d’autres de nos identités multiples, et qu’elles induisent des discriminations et des violences systémiques. C’est pour cela que nous demandons aux pouvoirs publics des avancées sociétales et juridiques indispensables pour nos pairs.

Toujours trop de victimes

Suite aux confinements, il est de bon ton de croire que les victimes de LGBTIphobies ont été à l’abri. En réalité, les violences ne sont pas réservées à l’espace public. C’est souvent dans la sphère privée et avec les plus intimes que les personnes LGBTI+ sont en danger. Le confinement a été synonyme d’une lente agonie, surtout pour les plus jeunes d’entre nous. Devoir cacher son orientation sexuelle ou son identité de genre auprès de ses proches est devenu encore plus impossible, encore plus insupportable. 

Nous sommes solidaires de toutes les familles des victimes de l’année écoulée, mais nous avons une pensée particulière pour Luna, jeune lycéenne trans, qui s’est donnée la mort à Lille, à la mi-décembre dernier, à l’âge de 17 ans. Nous demandons ainsi à l’ensemble du système éducatif d’utiliser les prénoms d’usage des personnes trans, quel que soit le type d’établissement qu’elles et ils fréquentent. Les lourdeurs administratives peuvent et doivent être contournées, il en va parfois de la survie de ces élèves. Cette revendication va de pair avec une formation continue de l’ensemble des personnels éducatifs sur le sujet des LGBTIphobies. Les dispositifs existants sont balbutiants et le travail si précieux des bénévoles des associations ne peut se substituer à l’inclusion pérenne de ces sujets lors des formations des professeur·e·s.

Depuis quelques années, de nouvelles voix se font entendre, celles des victimes des thérapies de conversion. Souvent dissimulées derrière le nom de «retraites spirituelles»«d’apprentissage amoureux» dans certaines écoles privées, ou encore derrière des spécialités de médecine parallèles menées par des charlatans… elles cachent une terrible réalité : des fanatiques et idéologues de tous bords pensent qu’il est possible de changer une orientation sexuelle ou de brider l’identité de genre. Nul ne pourra nous dicter qui nous sommes : nous demandons ainsi à la majorité politique d’interdire les thérapies de conversion. Nous serons inflexibles sur ce sujet ! L’arsenal législatif existant n’est pas la réponse ferme et logique à ce qui n’est plus un épiphénomène en France. Une proposition de loi de la députée Laurence Vanceunebrock existe. Il est temps que les parlementaires s’en emparent. 

Enfin, si nous saluons les mesures prises par la municipalité en mai 2021 à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre la haine anti LGBTI+, nous devons souligner que la promesse d’un Centre LGBTI+ à Marseille n’est toujours pas tenue. Nous savons que le temps politique est long, mais celui des victimes lui, est incompressible. Nous demandons ainsi que cette promesse ne soit pas un serpent de mer : Marseille doit se doter de tous les moyens possibles pour aider les associations sur le terrain.

Nous demandons également que tous les élu·e·s du territoire dénoncent toutes formes de LGBTIphobies qui seraient portées à leur connaissance et en particulier dans leurs administrations respectives : le service public se doit d’être exemplaire. Nous souhaitons également que nos élu·e·s imaginent des politiques de lutte contre les LGBTIphobies transverses : les personnes discriminées n’en ont cure des découpages administratifs de l’État.

Toujours trop de précarité

La protection et la reconnaissance de toutes et tous par l’Etat et les institutions doivent être inconditionnelles. «Liberté, Egalité, Fraternité» ne doivent plus être de simples mots. La précarité de nombreuses personnes nous indique pourtant le contraire.

Nous demandons que l’accès aux soins et au suivi médical soit possible pour toutes et tous, sans distinction du statut sérologique, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre, de l’origine réelle ou supposée, du territoire ou encore de la profession. Les discriminations font le lit des IST, du VIH ou encore des hépatites, auxquels sont encore trop souvent confrontées les populations LGBTI+, migrantes et travailleuses et travailleurs du sexe (TDS). Les politiques de prévention et de protection sont bien souvent inaccessibles aux personnes les plus exposées : nous demandons un accès inconditionnel et facilité pour toutes et tous aux mesures de réduction des risques, aux moyens de protection, de contraception et de dépistage. Ces changements doivent s’accompagner de la mise en place d’une politique sociale et de protection des TDS. Nous demandons que l’Etat et les institutions territoriales luttent ensemble contre l’exploitation, le travail forcé et la traite, avec une attention particulière envers les personnes d’origines étrangères voire en situations irrégulières. Nous demandons à l’Etat d’abroger la loi du 13 avril 2016 qui interdit l’achat d’acte sexuel et participe à précariser les TDS.

Nous demandons également la régularisation de tous les demandeurs d’asile LGBTI+. À l’heure où l’Union Européenne se déclare zone de liberté pour les personnes LGBTI+, la France échoue à accueillir les personnes persécutées dans leur pays pour leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, ou à dénoncer officiellement les pays où la répression continue de s’organiser.

Cette reconnaissance à deux vitesses des réalités des personnes LGBTI+ au-delà des frontières a des conséquences sur les familles homoparentales et contribue à rendre précaire leur quotidien. Nous demandons ainsi la transcription des Etats civils pour les enfants nés à l’étranger par GPA. Il est impensable que la loi française sépare les enfants de leurs parents et complexifie tout acte administratif ou juridique pour la simple raison de ne pas vouloir reconnaître ces familles nouvelles. Pour les mêmes raisons, nous demandons la reconnaissance automatique du second parent lors d’une PMA, ainsi qu’une vraie réforme de la filiation séparant les notions de père et de mère de la biologie et prenant en compte les familles transparentales et homoparentales.

La précarité peut s’imposer aux populations LGBTI+ de tout âge, et nos seniors en sont également victimes à bien des égards. Ainsi, nous demandons que soit repensé le système de tutelle et curatelle, qui est conçu d’abord pour protéger des biens et non des individus. Cela accentue la perte d’autonomie et est ressentie comme la mise en place d’une dépendance supplémentaire imposée par la personne qui est censée protéger. Dans le même esprit, la fragilisation des personnes âgées LGBTI+ passe par le déni de leur identité affective ou de genre lorsqu’elles se trouvent dans des structures spécialisées. Ainsi, nous demandons la création d’habitats spécialisés pour les aîné·e·s LGBTI+ qui le souhaitent, dans lesquels elles et ils pourront vivre pleinement leur identité et leur sexualité sans critique, ni jugement.

Toujours trop… de contrôle

Si la France est un état de Droit, elle a également des devoirs. La Constitution assure que l’égalité devant la loi est la même pour toutes les citoyennes et citoyens sans distinction. Aujourd’hui, le système établi va à l’encontre de ces principes fondamentaux : l’État exerce un contrôle encore trop abusif des corps de notre communauté.

Nous demandons que la France mette un terme aux mutilations et aux «traitements» hormonaux non consentis sur les nouveau-nés et les jeunes enfants intersexes. Alors que l’Assemblée nationale a rejeté un amendement à la loi bioéthique qui allait dans ce sens, l’Etat français a été rappelé à l’ordre par l’ONU en 2016, ainsi que par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour «torture» et «mutilations infantiles». Ces rappels à l’ordre n’ont toujours pas été suivi d’évolutions dans la loi, 5 ans plus tard. Ce n’est pas digne d’un pays qui se revendique démocratique.

Nous demandons également la fin de la psychiatrisation des parcours de transition médicalisée des personnes trans. L’accès aux parcours de transition médicalisée doit s’effectuer sans aucune validation ou procédure diagnostique et sur la base du consentement éclairé, ceci pour les personnes trans de tous âges. Les corps et les identités des personnes trans n’ont pas à être à la merci de conglomérats de médecins, en particulier de psychiatres auto-proclamés experts sur le sujet et déniant par cette prétention la liberté de choisir son praticien. En matière de transition médicale, comme administrative, l’autodétermination doit être la règle. 

Nous demandons une procédure de changement de mention de « sexe » libre, gratuite et accessible sur simple déclaration, la réécriture de la circulaire de 2016 sur le changement de prénom, ainsi que la reconnaissance explicite dans le Droit de l’identité de genre des personnes non binaires. A long terme nous souhaitons la suppression de la mention de « sexe » de l’état civil.

Nous souhaitons rappeler qu’il est nécessaire d’abroger l’interdiction d’achat d’acte sexuel de la loi du 13 avril 2016 et toutes formes de répressions qui renforceraient la situation de précarité et de détresse sanitaire des travailleurs et travailleuses du sexe. Nous demandons la mise en œuvre d’une politique sociale et de protection des TDS en luttant contre l’exploitation, le travail forcé et la traite, avec une attention particulière envers les personnes étrangères et/ou en situation irrégulière.

Nous demandons tout simplement à ce que nos corps nous appartiennent. Nous voulons la création de démarches pour rendre plus accessible le don de gamètes, permettre l’autoconservation des ovocytes, de ne pas rendre obligatoire le consentement du partenaire, et de lever l’interdiction du double don de gamètes. Nous demandons que les hommes trans et les personnes non binaires, les lesbiennes et les femmes seules puissent accéder à la procréation médicalement assistée. Nous demandons une ouverture de la PMA , avec remboursement à 100 %, pour toutes et tous, quelle que soit la situation de famille ou l’identité de genre. Nous revendiquons également la possibilité de choisir et de pouvoir avoir accès à l’appariement lors d’une PMA, ainsi que des campagnes spécifiques de recrutement de donneurs non-blancs dans les centres de PMA pour rendre plus égalitaire les délais d’attentes.

Jamais trop ! 

Oui, aujourd’hui nous vous l’affirmons et nous le revendiquons : il n’est plus grave d’être toujours trop pédé·e, racisé·e, folle, androgyne, séropo, gouine, vieux ou Trans… Ces insultes qui nous collent à la peau doivent être notre force et une partie de nos identités plurielles. Aujourd’hui, plus que jamais dans cette période où les idéologues de tous bords souhaitent nous diviser, nous avons besoin de toutes celles et ceux qui sont « toujours trop ». Nous avons besoin de toutes celles et ceux qui croient en l’égalité des Droits et à la justice sociale. Nous nous battrons demain pour toutes les victimes, pour toutes celles et ceux qui en auront besoin, avec toute la force et toute la pédagogie qui nous animent. Car si nous sommes peut-être « toujours trop », nous ne serons jamais de trop pour mener à bien nos combats.

La Pride Marseille 2021 demande :
  1. L’arrêt immédiat des mutilations et des traitements hormonaux non consentis sur les enfants et adolescent·e·s intersexes.
  2. L’arrêt des psychiatrisations des parcours de transition des personnes Trans.
  3. La déjudiciarisation de la procédure de changement de la mention «sexe».
  4. La réécriture de la circulaire de 2016 sur le changement de prénom.
  5. L’utilisation du prénom d’usage des personnes Trans, dans toute la vie scolaire des élèves concerné·e·s.
  6. La formation continue de l’ensemble des personnels éducatifs sur les LGBTIphobies, en lien avec les associations concernées.
  7. La régularisation immédiate, inconditionnelle et sans «enquête de vérification» de toutes les personnes LGBTI+ migrantes
  8. Une politique de santé publique pour la réduction des risques liés aux IST et à l’usage de drogues pour toutes les personnes concernées.
  9. L’accès pour toutes et tous, quelle que soit l’identité de genre et la situation familiale à la PMA et aux techniques de don et conversation de gamètes.
  10. Une réforme séparant la filiation de la biologie, et la reconnaissance automatique du second parent en cas de PMA.
  11. La transcription des Etats-civils pour les enfants nés à l’étranger par GPA.
  12. L’abrogation de l’interdiction d’achat d’acte sexuel de la loi du 13 avril 2016.
  13. La mise en place d’une politique sociale et de protection des TDS.
  14. Le respect des choix des seniors concernant leur fin de vie.
  15. La refonte du système de tutelle et curatelle.
  16. Une loi explicite pour interdire les thérapies de conversion.
  17. La création d’un centre LGBTI+ à Marseille.
  18. Que les élu·e·s du territoire prennent des positions claires contre toutes formes de LGBTIphobies.
  19. L’engagement des élu·e·s du territoire pour une politique ambitieuse et transversale de lutte contre les LGBTIphobies.
  20. Enfin, nous demandons à nos communautés de prendre conscience et de lutter contre toutes formes de discriminations en leurs seins.

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